Janvier

Trottoir glacé. Coin Windsor et 7e avenue. un homme à genoux cherche quelque chose dans la neige entassée. Il pleure? Il rit? Personne ne sait. 

***

Ce matin, comme tous les matins, j’attends mon autobus. Ce matin, comme presque chaque jour du mois de janvier, tout est de glace.  

La rue est vide et mon autobus ne vient pas! Alors seule, je fredonne les mots de Jean Leloup, « car il fait si froid dehors au mois de janvier… Les corbeaux du printemps, car il fait si froid dehors au m… » Tiens, j’entends comme un cri d’oiseau. Un croissement qui provient d’une silhouette noire, au loin, enfoncée dans la neige. Est-ce lui, le corbeau de Leloup? Et si c’était celui de Poe, « sitting lonely on the placid bust… »? Je divague seule dans le froid. « Jamais plus… » je ne sortirais sans mon café, nevermore!

 Mon autobus n’arrive toujours pas, et la silhouette m’intrigue. Alors, je me décide d’aller voir ce que c’est au juste. J’avance lentement. Deux, trois pas, voilà que je m’aperçois qu’il s’agit d’un vieil homme à genoux dans la neige.

 Il rit, parfois il pleure. Il est fou, il a froid. Son cerveau est sûrement gelé… Pauvre lui. On dirait qu’il a perdu quelque chose d’important. Il creuse, s’arrête, lève la tête vers le ciel, puis recommence à creuser.

 Qu’a-t-il perdu? Son âme enfouie dans la neige? Et même s’il la retrouvait. Que fait-on d’une âme toute mouillée? Me revoilà qui divague encore. Il a probablement besoin de mon aide. Je me dirige donc vers lui à la rescousse.

 Il a l’air tellement concentré. Je m’approche de lui et je demande : Je peux t’aider?

-Fiche-moi la paix, me hurle-t-il, je prie!

 Effrayée, je recule et décide vite de rebrousser chemin pour retourner à l’abribus. Mais, voilà qu’au loin, je le vois : mon bus à l’arrêt.

 Je me précipite pour le rattraper, malheur je glisse.

Coin Windsor et 7e avenue, à genoux dans la neige mouillée, je pleure? je ris? je ne sais plus…

Djazia Abdoun